Madame Elisabeth se raconte en sa demeure
Du 27 avril au 21 juillet 2013, une exposition organisée par le Conseil Général des Yvelines, en partenariat avec l’Établissement public de Versailles, rend hommage à la jeune sœur de Louis XVI, dite Madame Elisabeth, dans la Demeure et l’Orangerie du Domaine de Montreuil où elle vécut.
— Née en 1764, la Princesse Elisabeth allait être projetée à 25 ans dans la tourmente de la Révolution. Sa courte vie fut marquée par la tragédie et son histoire jalonnée de drames : orpheline à 3 ans, elle voit à 11 ans sa chère grande sœur la quitter pour épouser le Prince de Piémont tandis que sa tante préférée entre au Carmel. Qu’à cela ne tienne : elle ne se mariera pas et restera jusqu’au bout aux côtés de Louis XVI et Marie-Antoinette, n’écoutant pas les propositions qui lui seront faites pour émigrer.
L’année de ses dix-neuf ans, Louis XVI lui avait offert le Domaine de Montreuil, sorte de maison de campagne toute proche du château de Versailles où elle s’adonna durant six ans à ses activités favorites : musique, sciences, peinture, lecture, broderie, pêche et jeux. Pieuse et généreuse, Madame Elisabeth y passait des journées simples et heureuses, entourée de ses amies. Majeure en 1789, elle avait enfin le droit de dormir à Montreuil. Les événements révolutionnaires en décidèrent autrement : celle que les habitants du village appelaient ‘’la bonne dame de Montreuil’’ dut alors gagner Paris et ne revit jamais Versailles. Ferme dans ses convictions, Madame Elisabeth adopte alors une position dure face aux partisans d’une monarchie constitutionnelle, s’opposant à toute recherche de compromis. Fidèle jusqu’au bout, elle suivra le roi et la reine à Varennes, à la prison du Temple, puis à l’échafaud, sur lequel elle monte en 1794 avant d’être ensevelie dans une fosse commune.
— C’est donc une jeune femme, complexe et attachante que les 135 œuvres exposées permettent de découvrir et de mieux comprendre, grâce à une scénographie associant le visiteur. Les objets proviennent majoritairement des collections du château de Versailles ainsi que de collections publiques et privées : peintures, dessins, mobilier, objets d’art, costumes, bijoux, manuscrits et pièces d’archives. L’exposition investit deux espaces du Domaine, la Demeure et l’Orangerie. Chacun à sa manière, de façon indépendante mais complémentaire, évoque cette princesse. Dans la Demeure, ouverte exceptionnellement pour l’occasion, le visiteur aura le sentiment de pénétrer dans un lieu habité, d’entrer dans son intimité et son quotidien, par un parcours sensoriel : parfums d’époque, morceau de harpe, étoffes à manipuler. De la fameuse ‘’gazette des atours’’ aux tissus brodés par la Princesse et sa suite, les lieux s’animent et l’imagination du visiteur se met en marche. Dans l’Orangerie, un parcours plus didactique, riche de tous les éléments de contexte nécessaire et de nombreux objets, permet de comprendre le personnage et son époque, de l’arbre généalogique de la famille proche de Madame Elisabeth aux effets personnels de la princesse à la prison du Temple.
Entretien avec Juliette Trey, conservateur chargé des peintures du XVIIIe siècle et des pastels au musée national des châteaux de Versailles et Trianon, Commissaire de l’exposition
Qu’est-ce qui vous a touchée chez cette princesse ?
Avant de travailler sur cette exposition, mon opinion était faussée par les clichés qui entourent Madame Elisabeth, souvent résumée à une personne pieuse et très sérieuse. Pourtant, j’ai découvert quelqu’un de drôle et un caractère riche, aux multiples facettes. Elle avait un solide sens de l’humour et savait se moquer d’elle-même, notamment de ses légendaires rondeurs. Elle était également très généreuse et pensait toujours aux autres avant de penser à elle. Même dans les moments difficiles, elle savait garder une distance et aborder les choses avec recul et légèreté. Quand à sa fidélité inconditionnelle à ceux qu’elle aimait, je la trouve tout bonnement admirable.
Combien de temps a duré la préparation de l’exposition ?
Près de deux ans. Il fallait en effet du temps pour rassembler les objets et les œuvres d’art qui faisaient partie de l’univers de la princesse. Mais j’ai eu de la chance, puisque toutes mes demandes de prêt ont été acceptées par les grands musées auxquels je me suis adressée : le Château de Versailles bien sûr, mais aussi le Louvre, le Musée Carnavalet, le Musée des Arts Décoratifs, le Musée Galliera, le Musée d’Art et d’Histoire de Saint Denis et la BNF pour de nombreuses estampes. Seul un tableau, jugé trop fragile pour être déplacé, n’a pu être présenté au public.
De nombreux objets proviennent également de collections privées. Comment les avez-vous retrouvés ?
En effet, un des grands défis de cette exposition fut de rassembler des objets personnels de la princesse, car le contenu de la demeure avait été liquidé à l’époque de la Révolution. La grande générosité de Madame Elisabeth nous a aidés : elle avait en effet offert de nombreux cadeaux à ses amis, notamment à ses dames de compagnie. J’ai donc méticuleusement entrepris de rechercher les descendants de celles-ci et là, j’ai rencontré des personnes enthousiasmées par le projet qui m’ont apporté leur soutien. Le souvenir de la bonté de la princesse s’était transmis de génération en génération, et les objets étaient conservés précieusement dans de nombreuses familles.
Infos pratiques
Du samedi 27 avril au dimanche 21 juillet 2013
Domaine de Madame Élisabeth (Orangerie et Demeure) - 73 avenue de Paris, 78000 Versailles
Entrée libre
Tous les jours de 12h à 18h30, sauf le lundi et le 1er mai
Le parc du Domaine est ouvert tous les jours de 11h à 20h à cette période
Informations au 01 39 07 76 25 – www.elisabeth.yvelines.fr
Livret-jeu pour les 6-12 ans, réalisé avec Paris Mômes. Distribution gratuite à l’entrée de l’exposition.
Catalogue ‘’Madame Elisabeth, une princesse au destin tragique’’. Ouvrage collectif, sous la direction de Juliette Trey, 192 pages, 28€. Vendu au Domaine de Madame Elisabeth et en librairie.
Crédits photo
-Madame Elisabeth - (1782) Élisabeth Louise Vigée Le Brun (1755-1842)
© RMN GP (Château de Versailles)/ Gérard Blot
-Madame Élisabeth à la prison du Temple - (1793)
Aleksander Kucharski (1741-1819) © Collection particulière
-Chaise voyeuse à l’étrusque - (1789) Jean-Baptiste-Claude Séné (1748-1803)
et Louis-Alexandre Régnier (1751-1802) © Les Arts Décoratifs, Paris/Jean Tholance
-Madame Élisabeth assistant à la distribution du lait dans sa maison de Montreuil - (1817)
François Fleury-Richard (1777-1852) © RMN GP/ René Gabriel Ojéda