Dans les coulisses de l’Académie équestre de Versailles
Que l’on soit ou non féru d’équitation, la visite de l’Académie équestre de Versailles est un moment rare. Un privilège désormais accessible à tous, chaque dimanche matin, en compagnie d’un guide conférencier qui lève le voile sur les secrets de la Grande Écurie, d’hier à aujourd’hui. On y croise chevaux et écuyers, grooms et palefreniers, qui se prêtent avec le sourire à l’exercice et vous font une petite place, même momentanée, dans l’intimité de l’Académie. Le tout dans un décor splendide, réhabilité en 2003 pour l’ouverture de l’école.
Une heure quinze dans les coulisses de l’Académie équestre de Versailles : cette nouvelle formule de visite, inaugurée le 24 septembre dernier à la Grande Ecurie, permet de plonger dans le quotidien de l’école en compagnie d’un guide-confériencer. Pour ma part, j’ai eu la chance d’avoir pour cicérone la passionnante Martine Anstett, qui assurera une bonne partie de ces sessions dominicales. « Ces visites sont une occasion unique de partager l’intimité du travail des écuyers et de leurs chevaux. On découvre ensemble la majeure partie des espaces, du foyer à la sellerie en passant par les écuries et le Manège, bien entendu » indique-t-elle. Dimanche après dimanche, aucune visite ne ressemblera à une autre, puisque le guide s’adapte en fonction du degré de connaissance équestre des participants, mais aussi en fonction de la météo ou de l’agenda de l’école.
Un peu d’histoire
Le départ de la promenade se fait dans le foyer Nuno Oliveira, ainsi baptisé en hommage au maître portugais du dressage qui a inspiré Bartabas. L’occasion de revenir sur l’histoire du bâtiment, construit par Mansart en un temps record, entre 1679 et 1682, et qui abritait déjà à l’époque les chevaux de selle (tandis que les autres chevaux étaient hébergés de l’autre côté de l’Avenue de Paris, dans les Petites Ecuries). « Ici est véritablement né l’art équestre, puisque c’est en ces lieux qu’au XVIIIème siècle s’est développée une manière de monter à cheval qu’on appelle toujours l’école de Versailles, et qui est encore aujourd’hui à la base de toutes les grandes écoles de dressage du monde. Avec la Révolution, les écuries ont fermé et tout a été dispersé, pour finir par être remonté en partie à Saumur. L’ouverture de l’Académie du Spectacle Equestre a donc constitué un véritable retour aux sources » poursuit Martine Anstett. Au début des années 2000 en effet, le domaine de Versailles décide de redonner leur rôle historique à certains bâtiments et de les réhabiliter en ce sens. Le projet de Bartabas remporte l’appel d’offres lancé par le château pour la Grande Ecurie, avec comme point d’orgue la volonté de monter la première académie au monde formant des cavaliers-artistes complets, sorte de corps de ballet équestre. Aujourd’hui rebaptisée Académie équestre nationale du Domaine de Versailles, l’école est toujours dirigée par Bartabas. Elle forme des écuyers et se donne en spectacle dans son célèbre Manège mais également hors les murs, comme ce fut le cas récemment à la Seine Musicale, à Boulogne-Billancourt, dans une production remarquée du Requiem de Mozart. Pour la petite histoire, lors des représentations, les écuyers évoluent dans des costumes en lin vieilli, brodés de fils métalliques, créés spécialement pour l’Académie par Dries Van Noten, tandis qu’Hermès a imaginé les selles de spectacle, réalisant pour les chevaux du corps de ballet un modèle exclusif.
Un Manège en forme de théâtre à l’italienne
Du foyer on passe directement au Manège, qui a comme le reste du bâtiment été réhabilité sous la houlette de l’architecte Patrick Bouchain. Particularité : une grande partie de l’espace est occupé par des gradins pouvant accueillir 500 personnes, implantés à la manière des théâtres à l’italienne, avec un parterre, un balcon, des loges et même une conque pour l’acoustique, car les spectacles se déroulent en musique. La structure en pin est amovible : en effet, l’académie doit être en mesure de déménager à l’issue de son bail, sait-on jamais. Les magnifiques lustres ont été réalisés avec des feuilles de verre en provenance de Murano. Le côté théâtral du lieu est accentué par le fait que les fenêtres qui jouxtent la piste ont été occultées et remplacées par des miroirs, comme un clin d’œil à la Galerie des Glaces voisine.
Les écuyers, authentiques « artistes-cavaliers »
Les samedis et dimanches, c’est dans ce Manège que l’Académie propose son spectacle, intitulé « La voie de l’Ecuyer ». Derrière chaque représentation, derrière cette apparente facilité, il y a des heures et des heures de travail quotidien, à l’image des gammes que fait un musicien, et ce, six jours sur sept. « Chaque cheval travaille tous les matins une heure avec son écuyer. Il y a 43 chevaux pour 10 écuyers. En moyenne, chacun d’entre eux travaille donc avec 4 ou 5 chevaux chaque jour. Actuellement, l’académie accueille également deux élèves en pré-formation, qui devraient intégrer l’effectif à la saison prochaine » explique Martine Anstatt. L’après-midi, les écuyers suivent les enseignements complémentaires propres à l’école : le kyudo (tir à l’arc japonais), l’escrime à cheval, le chant (choral et solo), et enfin la danse (avec également des séances de Pilates et de stretching). Pour postuler, il faut avoir 18 ans, une fibre artistique développée et un niveau d’équitation Galop 7. Il faut aussi être conscient que l’académie n’est pas une simple école mais bien un mode de vie à part entière, ainsi qu’en témoignent les écuyers sur le site internet : « Nous travaillons et vivons ensemble notre passion. Ce n’est pas une école où l’on vient se former en attendant de trouver du travail, il n’y a ni cursus ni diplôme. Cela s’apparente à un engagement comparable à celui d’un danseur qui entre dans la compagnie d’un ballet. »
Dans l’écurie, au plus près des chevaux
La visite se poursuit par les écuries proprement dites, également réhabilitées par Patrick Boucheau en 2003. Là où étaient logés 70 chevaux sous l’Ancien Régime, on n’en compte aujourd’hui que 30 dans les deux corps principaux (le reste de la troupe est abrité dans une annexe). « Le bien-être des bêtes fait désormais partie des pré-requis. Les boxes font en moyenne 3 mètres sur 3, ce qui permet notamment au cheval de s’étirer. Au sol dans les stalles, les copeaux de bois ont remplacé la paille. Aux panneaux en chêne d’origine se sont ajoutés d’autres éléments en bois exotique, mais les mangeoires en pierre du XVIIème siècle sont toujours en service. L’éclairage dispensé par les lanternes anciennes (copies des originales, qui avaient été détruites) a été renforcé par des luminaires contemporains en forme de licorne, au dessus des boxes. A noter aussi : ce sont des grilles, et non des cloisons, qui séparent les stalles, ce qui permet aux chevaux de communiquer entre eux » indique Martine Anstatt. Parmi les races de chevaux présentes, Lusitaniens (dont de magnifiques crèmes aux yeux bleus) et Quarter-horse se taillent la part du lion. Leur nom est indiqué sur un joli panneau au dessus de la stalle : Tinguely, Zanzibar, Uccello, Glinka, Vivaldi, Babilée, Pollock… la plupart des noms ont été choisis en hommage à de grands artistes, toutes disciplines confondues. « Aucune femelle ici cependant : seulement des chevaux entiers ou des hongres, sous peine de causer trop d’émois dans l’écurie ! » plaisante Martine Anstatt. Un maréchal-ferrant passe une fois par semaine s’occuper d’eux, et le reste du temps ils sont bichonnés par une équipe aux petits soins. Il y a même un coin « salle de bain » avec des douches et un séchoir infrarouge. Et si on a de la chance, on voit passer les deux chats de l’académie, recrutés il y a quelques années pour éloigner les souris, qui vont et viennent avec assurance entre les boxes.
Point d’orgue de la visite : la sellerie
Au bout d’une des galeries, on pénètre dans le saint des saints : la sellerie. On y découvre sur la droite tous les harnachements (brides, mors) et sur la gauche l’ensemble des selles, avec à l’étage supérieur les selles Hermès de spectacle caractérisées par leur quartier en pointe et leur partie arrière, le trusquin, qui est assez relevée. Au dessous sont rangées les selles destinées au travail quotidien. Au niveau le plus bas enfin, on trouve les selles de travail portugaises, utilisées pour l’escrime à cheval. Sur l’arrière de celles-ci, un morceau de zèbre synthétique rappelle la bande de fourrure que l’on mettait dans le temps sur les reins du cheval, pour les réchauffer (et qui à l’époque en renard). Au centre de la pièce sont stockés les fleurets et des masques, de part et d’autres des pieds d’un authentique squelette de cheval, repeint en orange (la couleur de l’académie) et offert par les Haras nationaux. « Ce squelette permet aux écuyers et aux palefreniers de mieux connaître la morphologie du cheval. Ce sont eux, en effet, qui pratiquent les premiers soins si besoin, en attendant l’arrivée du vétérinaire » ajoute Martine Anstatt. La visite se termine par un tour de la seconde carrière, située dans une cour intérieure, et le passage par la boutique où sont notamment en vente les dvd des spectacles, ainsi que quelques objets aux couleurs de l’académie, pour ceux qui ont envie de repartir avec un petit souvenir.
Visite des coulisses de l’Académie équestre de Versailles
[Durée 1h15 – Visite conseillée à partir de 5 ans]
Tous les dimanches à 10h30 / Tarif adulte : 15€ - Tarif jeune de 5 à 18 ans : 10€
Réservation par internet sur le site de l'Académie / vous pouvez aussi venir le jour J sans réservation, mais sans garantie qu'il restera de la place...
Photos © Corinne Martin-Rozès