Odorama : Versailles se raconte en parfums
Une balade olfactive dans les coulisses de l’histoire de Versailles : tel est le moment d’exception auquel nous convient l’historienne Elisabeth de Feydeau et le Monument Café. Avant ou après avoir parcouru le palais et ses jardins, on est ainsi invité à visiter différemment Versailles, cette fois avec son nez ! Au programme, une conférence intitulée ‘’Si Versailles m’était conté en parfums’’ au cours de laquelle on découvre, on s’étonne, on respire les matières premières de la parfumerie et on replace les fragrances dans leur contexte historique. Un voyage sensoriel accessible à toute la famille.
Conçu par Elisabeth de Feydeau, l’Odorama ‘’Si Versailles m’était conté en parfums’’ nous fait remonter le temps et nous délivre ses secrets autour de trois personnalités emblématiques qui ont marqué la Cité Royale : Louis XIV, Louis XV et Marie-Antoinette. La conférence mêle la petite et la grande histoire, nous parle des courants intellectuels et artistiques et nous relate la vie à la Cour. Outre les matières premières de la parfumerie, présentées sous la forme d’extraits, l’historienne, qui est aussi créatrice d’une ligne de bougies inspirée par Versailles, nous fait découvrir les senteurs qu’elle a imaginées en hommage à cette royale époque. Pour terminer, les participants sont conviés à déguster le Dessert des Libertins, un entremet au cacao et au musc revisité par le chef du Monument Café, ainsi que sa version vanillée, parfumée à l’ambre. Ci après un petit avant-goût de la conférence…les senteurs en moins !
Divines fragrances & magnificence baroque
Les rois mages avaient apporté à l’enfant roi l’encens car il était un dieu, la myrrhe car il était un homme et l’or car il était un roi : des symboles que l’on retrouve dans la chapelle royale. « L’encens, résine en provenance de Somalie, fut la première matière première de l’histoire des parfums. Il accompagnait les rites religieux en Mésopotamie : à l’origine, il était d’ailleurs utilisé comme un antiseptique supposé assainir l’atmosphère des temples, une sorte de désinfection physiologique et spirituelle censée préparer les fidèles à la prière » rappelle Elisabeth de Feydeau, qui situe le premier tableau de son Odorama dans la chapelle royale de Versailles. C’est d’ailleurs en pensant aux petits princes montés très jeunes sur le trône que l’historienne a imaginé sa bougie L’Enfant Roi, hommage à l’atmosphère d’une église un jour de Noël, mêlant encens, myrrhe, orange confite et cèdre. Le second tableau nous transporte dans l’ère du baroque, un style qui fait son apparition sous Louis XIV et trouve son expression la plus aboutie dans la somptueuse Galerie des Glaces du château. Issu du portugais ‘’barocco’’, le terme désigne la forme irrégulière d’une perle, et par extension un contraste fort, mêlant l’ombre à la lumière. Ce courant artistique, qui a influencé l’architecture, la peinture et la musique, s’est aussi exprimé en parfumerie : la lumière avec les notes hespéridées de l’Eau de Cologne, née en 1695, et le côté sombre avec une autre matière fétiche du parfumeur, découverte à cette époque, la fève tonka. Inspirée par ce courant artistique, la bougie Barocko marie des accords hespéridés majeurs et toniques aux notes sourdes du benjoin, du ciste et des épices, sans oublier la fameuse fève.
Royale séduction, vénéneuse tentation & galants effluves
Louis XIV, grand séducteur, va rapidement exiger des matières animales dans la composition de ses parfums, à l’image du castoreum ou de la civette. « A la fin de sa vie, le monarque affaibli ne supporte hélas plus aucune odeur, sauf celle de ‘’l’eau de fleurs d’orange’’, d’où l’installation de 4 000 orangers bigarade à Versailles. Un arbre qui est aussi une mine d’or pour le parfumeur puisqu’il utilise ses graines, ses fruits et ses fleurs, ces dernières donnant l’essence de néroli » explique Elisabeth de Feydeau qui, pour symboliser le rapport de Louis XIV au parfum, a imaginé La Fleur du Roy, une bougie alliant fleur d’oranger, notes de cuir, bergamote et neroli. Quant à la marquise de Montespan, les parfums et cosmétiques constituaient son arme secrète. Elle en usait et en abusait, une fâcheuse habitude qui du reste précipita sa chute. « La favorite avait coutume de glisser de la tubéreuse dans les bouquets pour indisposer La Vallière et détecter ainsi une éventuelle grossesse chez sa rivale » raconte Elisabeth de Feydeau. On dit aussi qu’elle masquait ses poisons grâce à de l’absolu de tubéreuse, qui neutralise les odeurs suspectes. Aphrodisiaque, dangereuse et narcotique, la tubéreuse personnifie donc magnifiquement La Montespan, à laquelle l’historienne des parfums a dédié une bougie éponyme où cette senteur se mêle à des notes épicées, poivrées et boisées. Le lien entre parfums et poisons est du reste une longue tradition, héritée de la Renaissance : le fameux Cabinet des Parfums de Catherine de Médicis était d’ailleurs plutôt un Cabinet des Poisons, aux murs entièrement recouverts de bois, dont le concept a inspiré l’historienne pour concevoir la Maison des Parfums de la Cour des Senteurs à Versailles. A cette époque apparaît aussi le terme d’aristocrate, qui désignait à l’origine ‘’un gentilhomme de la Cour qui se livre avec coquetterie aux Lois de la Galanterie’’ (Charles Sorel, 1644). Un personnage qui aime à laisser derrière lui ce sillage si particulier, mêlant cuir et bois d’aloès (aussi appelé oud). Ces messieurs s’épilent le corps, frottent leur peau à la pierre ponce et portent des sous-vêtements en cuir qu’ils font macérer dans des infusions parfumées. Le linge de Louis XIV est d’ailleurs rincé dans une eau parfumée au bois d’aloès. « C’est en pensant à cet homme du Grand Siècle que j’ai imaginé la bougie L’Aristocrate, qui allie les senteurs balsamiques, le puissant et terreux vétiver Bourbon, le musc végétal et des accords de cuir et de tabac parfum » précise Elisabeth de Feydeau.
Promenade au jardin & parfum de fruits
L’Odorama nous fait ensuite sortir du palais pour se plonger dans les bosquets du parc. Les odeurs de l’époque ont été abondamment décrites, en particulier dans les commentaires sur la fameuse fête des ‘’Plaisirs de l’Ile Enchantée’’, donnée en l’honneur de Mademoiselle de la Vallière. Les parfum du buis et du jasmin étaient associés pour lutter contre la puanteur régnant dans les bosquets, utilisés comme lieux d’aisance par les visiteurs. « Le jasmin justement, fleur noble par excellence, importée en France à partir du XVIème siècle, constitue une matière première de choix pour le parfumeur. En hommage à ces jardins de Louis XIV, symboles de pouvoir et de plaisir, la bougie Jardins et Bosquets propose un subtil équilibre entre jasmin, buis, violette et œillet blanc » indique Elisabeth de Feydeau. Poursuivant la promenade, la conférence nous entraîne au Potager du Roi, où l’on pouvait déguster des fraises et des figues toute l’année. Louis XIV se réservait la ‘’primeur’’ de certains légumes de printemps (petits pois, haricots verts et asperges notamment), d’où le terme aujourd’hui consacré pour désigner ces variétés. Véritable laboratoire botanique, ce lieu extraordinaire créé par La Quintinie produit encore de nos jours des fruits, des légumes et des herbes aromatiques. A visiter si vous passez par Versailles ! La bougie Potager Royal évoque d’ailleurs ce lieu enchanteur grâce à ses arômes printaniers, mêlés au parfum ensoleillé de la figue et à des notes herbacées.
Luxe intime & chocolat coquin
Changement d’époque, changement de décor. En réaction au règne précédent, Louis XV protège sa vie privée. « Derrière les appartements publics, il fait aménager des pièces chaleureuses où se développent plus facilement les odeurs : celle de l’encaustique, que l’on passe sur les parquets chaque lundi à Versailles depuis plus de trois siècles, mais aussi celle du feu de bois et de la suie refoulée par les cheminées. Ce fut mon premier contact olfactif avec le château, un jour où les parquets avaient été cirés, et c’est à cela que j’ai pensé en créant ma toute première bougie, Lux, qui évoque l’intérieur élégant d’un hôtel particulier du XVIIIème siècle, avec des odeurs de cire d’abeille et de bois » relate l’historienne. Jaloux de son intimité, Louis XV était aussi un roi amoureux. Madame de Pompadour lui faisait préparer une recette mythique, le Délice des Libertins, une boisson au chocolat très dense enrichie de vanille, de musc et d’ambre gris, que les contemporains tenaient pour aphrodisiaque. Au XVIIIème siècle, la vanille était d’ailleurs réputée pour ses vertus stimulantes et son commerce strictement réglementé. Recréé en collaboration avec le chef Gérard Vié en 2005 à l’occasion du lancement d’un parfum Jean-Paul Gaultier, ce breuvage a inspiré à Elisabeth de Feydeau la bougie Délice des Libertins.
La vie en roses & l’art de la toilette
Marie-Antoinette adorait les fleurs, tout particulièrement la rose et le jasmin. La rose justement, qu’elle soit de Damas ou de Grasse, était et reste une muse pour de nombreux parfumeurs, tout comme la souveraine fut l’inspiratrice de nombreux artistes, jusqu’à Christian Dior. A Trianon, la reine pouvait être elle-même, à la fois jeune femme de son temps, bergère en son hameau et surtout maman, avec sa fille Madame Royale et le Dauphin, qu’elle surnommait respectivement Mousseline et Chou d’Amour. Enfin, saviez-vous que le mot ‘’toilette’’ vient de la toile qui recouvrait à l’époque les tables où l’on posait les précieux flacons, pots à fard et autres boites à mouches ? Au XVIIIème, la toilette est en effet un moment très important, à l’occasion duquel la dame de qualité reçoit même des invités, comme on peut le voir dans les films ‘’Ridicule’’ ou encore ‘’Les Liaisons Dangereuses’’. Toute l’essence de cette cérémonie intime se retrouve dans la bougie L’Elégante, qui marie violette, baies roses, feuille de framboisier et musc. Un alliance gourmande où dominent plaisir sucré et esprit boudoir.
Pour assister à un Odorama ou en organiser un (si vous avez constitué un groupe), contacter Arty Fragrance au 09 61 38 46 27 ou par mail contact@arty-fragrance.com.
Monument Café (1 Rue du Maréchal Joffre, 78000 Versailles - tél 09 67 14 07 12).
Les Versaillais peuvent se procurer les bougies Arty Fragrance d’Elisabeth de Feydeau chez Crist’Al 24 (rue Baillet Reviron), à la boutique des jardins du Château de Versailles et au Monument Café (qui en propose une courte sélection). La liste des autres points de vente est à découvrir ici. Compter 45€ l’unité.
Entre nous. Je tiens à préciser à l’intention des esprits chagrins (il y en a hélas) que je n’ai aucune action dans la société Arty Fragrance. Si je parle ici des bougies d’Elisabeth de Feydeau, c’est parce qu’elle les a créées d’une manière qui me touche, avec beaucoup de cœur et en lien étroit avec l’histoire de Versailles.